La Dalle d'Argenteuil peine à effacer l'épisode de la "racaille"

La Dalle d'Argenteuil dans le Val-d'Oise, peine à se défaire de son image de zone livrée aux "racailles", terme utilisé devant les caméras par Nicolas Sarkozy qui en avait fait un symbole de ces quartiers sensibles revenus dans la campagne présidentielle cette semaine.

Ce soir du 26 octobre 2005, celui qui est alors ministre de l'Intérieur effectue, sous les insultes et les projectiles, une visite houleuse dans ce quartier sensible quand il est interpellé par une habitante qui lui dit son exaspération face à la délinquance.

Nicolas Sarkozy lève la tête et lui répond, fermement: "Vous en avez assez, hein? Vous avez assez de cette bande de racailles? Eh bien on va vous en débarrasser."

Comme "Kärcher" avec lequel le ministre de l'Intérieur avait dit quatre mois plus tôt vouloir nettoyer un quartier de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), le mot frappe les esprits. Son collègue ministre Azouz Begag dénonce une "sémantique guerrière, imprécise".

Surtout que le lendemain de cette sortie sur la Dalle, les banlieues françaises s'embrasent, conséquence de la mort de deux adolescents électrocutés dans un transformateur électrique alors qu'ils tentaient d'échapper à la police dans un autre quartier populaire à une trentaine de kilomètres de là, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

L'épisode de la Dalle devient dès lors pour beaucoup un symbole, beaucoup dans le quartier se sentant assimilés à cette "racaille" dénoncée par Nicolas Sarkozy.

"Sur le moment", Ahmed, désormais trentenaire, a "trouvé ça marrant". "Mais ce n'était pas des phrases à dire, c'était de la politique spectacle, c'était insultant", poursuit aujourd'hui le jeune homme qui vit sur la Dalle depuis vingt ans et ne souhaite pas donner son nom.

Militant associatif d'Argenteuil Arezki Sémache continue de dénoncer un "dérapage verbal", des "propos complètement irresponsables par rapport à la fonction qu'il occupait", "cela stigmatise davantage un quartier".

"Depuis la sortie de Sarkozy, la Dalle est devenue une place médiatique nationale voire internationale, une escale à faire. Chacun veut voir ce quartier peuplé de +racailles+", s'indigne Hamou Aguini, de l'association Conjugue.

Vedette malgré elle, la Dalle accueille ainsi le 6 avril 2007 dans une ambiance tendue un Jean-Marie Le Pen en campagne présidentielle.

"Un groupe d'universitaires anglais vont arriver au mois de mars pour voir ce quartier mythique", raille Alliate Chiaou, responsable de l'association locale des travailleurs maghrébins de France (ATMF).

Le maire PS d'Argenteuil Philippe Doucet comprend "le ressenti des habitants (qui) se sont sentis insultés". Mais "la suite a été tellement mal ressentie qu'il y a eu une sorte de prise de conscience pour dire qu'Argenteuil ce n'est pas ça".

Le ras-le-bol face à l'insécurité et les incivilités exprimé le 26 octobre 2005 par la résidante qui avait interpellé Nicolas Sarkozy, n'a pas disparu. "Le bâtiment Thorez est un repère de dealers, ils ont des piquets de drogue, ils nous ont démoli les caméras de surveillance et contrôlent les parkings", s'indigne, sous couvert d'anonymat, une habitante qui, après 41 ans dans le quartier, ne pense qu'à vendre et à partir.

"On travaille là-dessus, les cages d'escaliers vont être sécurisées, on va remettre les gardiens dans le périmètre de sécurisation de la Dalle", dont la surface est truffée de caméras de surveillance, répond M. Doucet.

Mais le quartier a changé. Des tours ont été démolies, des pelleteuses continuent de fendre le béton. Une réelle dynamique commerciale est apparue autour de la Dalle, avec des échoppes de nouveau remplies de clients.