"On a notre place", estime Yves, bipolaire et "pair-aidant" psychiatrique... |
Yves Bancelin est l'un des 30 médiateurs psychiatriques recrutés en janvier. Atteint de troubles bipolaires, il raconte que "le contact avec les malades vient beaucoup plus vite", du fait de son passé qu'il va "enfin pouvoir transformer en quelque chose de positif".
"Franchement on a notre place", résume ce jeune homme avenant de 29 ans, attablé à un café. "Les usagers abordent plus rapidement des sujets importants de leur vie avec nous, on sent qu'ils se livrent plus".
La maladie d'Yves Bancelin a été diagnostiquée à l'âge de 19 ans lors d'une cure de désintoxication. "Viré du bahut après avoir explosé une voiture dans le mur", il est hospitalisé pendant un mois, passe le bac et "vadrouille pas mal" après avoir grandi en Auvergne.
En 2008, il déménage à Marseille "pour couper les ponts" avec de mauvaises fréquentations. Il trouve un emploi comme technicien de maintenance, mais victime de "harcèlement moral", il est licencié et fait "une grosse rechute dépressive".
Il "traîne dans la rue, rencontre des gens en galère", dont un SDF qu'il prend sous son aile. "Petit à petit, je me suis rendu compte qu'il attendait beaucoup de moi. Et l'accompagner m'a permis de me stabiliser".
Observant ces qualités d'entraide, des membres de l'équipe mobile de psychiatrie lui parlent de ce projet de médiateurs de santé. Il postule et décroche l'emploi.
"L'enjeu, c'est d'arriver à transformer un passé vraiment chaotique et d'en faire une expérience positive. C'est un emploi révolutionnaire pour nous: la maladie va nous servir à quelque chose", souligne le médiateur.
Aux patients, "on montre que c'est possible de s'en sortir, qu'on peut passer par la psychiatrie sans être un fou". "En plus, on peut dire à l'instant T ce qu'ils ressentent" car, assure-t-il, quelles que soient les maladies - schizophrénie, anorexie... - "le principe est toujours le même: une perte de confiance en soi, une phase dépressive, un sentiment de paranoïa, la solitude".
"Pour qu'ils ne restent pas enfermés dans leur maladie, j'essaie de les rattacher à leurs passions d'avant, de réussir à recréer l'envie", le traitement médicamenteux favorisant l'anhédonie (incapacité d'un sujet à ressentir des émotions positives). Ainsi, il s'agit d'inciter un musicien à reprendre le piano, un professeur de philosophie à redonner des cours, un ancien tennisman à ressortir les raquettes.
D'un point de vue personnel, l'expérience se révèle très enrichissante. "J'ai la satisfaction du devoir accompli. Et j'espère que d'ici deux ans, un certain nombre de mes troubles se sera estompé", confie Yves Bancelin qui se dit "sevré de l'héroïne et du cannabis", mais reconnaît avoir "des problèmes avec l'alcool" et suit encore "un traitement de substitution".
Il regarde les "débats houleux" suscités par ce projet avec une relative sérénité. "Il n'y a aucune crainte à avoir. Je pense qu'on saura prouver notre utilité avec le temps".