Élections européennes : Patrick Bruel attend le "sursaut républicain"2 |
À l'occasion des élections européennes, dimanche, nous publions des entretiens avec des personnalités de divers horizons. Cette série se termine avec Patrick Bruel.
Lire une interview de Patrick Bruel autour des élections européennes, est-ce vraiment une surprise ? Le chanteur n'a jamais caché son intérêt pour la politique, s'engageant pour diverses causes, et son aversion pour le Front national. Il appelle une nouvelle fois à voter, renouvelant sa confiance en l'Europe.
« J'ai écrit une chanson qui dit : La paix est une porte qu'on ouvre pour se connaître. Cela signifie que faire la paix, ce n'est pas uniquement rester chacun chez soi et ne pas s'occuper de l'autre tant qu'il vous laisse tranquille. Cela veut dire entrer chez l'autre, le faire venir chez toi et, ensemble, échanger, partager des choses. »
Patrick Bruel nous a accordé un entretien malgré un emploi du temps millimétré. Entre deux dates d'une tournée commencée il y a un an, et jusqu'en novembre, et un saut au festival de Cannes pour la promotion de son prochain film, Tu veux ou tu veux pas ?, une comédie de Tonie Marshall, avec Sophie Marceau, à sortir en octobre.
Crédit infograhie : Ouest-France - Photo : Jean-Yves Desfoux.
Y a-t-il une ville, un lieu en Europe que vous aimez particulièrement ?
Plusieurs. Barcelone, Rome, Londres, Prague, Saint-Pétersbourg, Copenhague... Je suis fasciné par le fait qu'il y a, à si peu de kilomètres, des cultures si différentes et tellement instructives. En Scandinavie, par exemple où leur système de retraites est à étudier... Et nous aussi, tout ce qu'on peut apporter est incroyable.
Parlez-vous plusieurs langues ?
Anglais et espagnol. Un atout que ma mère a su développer chez moi et que je développe à mon tour chez mes enfants, qui ont parlé anglais dès l'enfance. Et ils apprennent le chinois à l'école. Il est primordial de donner le cadeau des langues à ses enfants.
Le rêve européen a-t-il un sens pour vous ?
C'est avant tout une garantie de paix ! Rien que pour cela, on ne peut pas être contre l'Europe. C'est aussi, à l'heure des économies-continents (Chine, Inde, Amérique), une sublime promesse pour l'avenir. Il y a encore des dysfonctionnements. Mais je reste persuadé que l'union fait notre force. Cette idée est au coeur de la devise de l'Europe, que l'on a trop tendance à oublier : « L'unité dans la diversité. » Une très belle promesse.
Les Français, eux, dénoncent l'Europe des technocrates...
Les rares fois où l'on nous en parle, c'est pour dire « c'est la faute de l'Europe ». Ça finit par faire écho, même si la plupart du temps, c'est du grand n'importe quoi. Regardez comment d'autres pays autour de nous s'en sortent mieux, alors qu'ils sont soumis aux mêmes normes... L'Europe doit évidemment s'améliorer, c'est pourquoi il faut aller voter. Mais cessons d'en faire un bouc émissaire pour masquer notre manque de courage et d'ambition dans la réforme.
Mais comment changer ça ?
On ne nous a pas montré suffisamment en quoi l'Union était positive. Sans l'Europe, les Français auraient moins et pour plus cher ! Il est urgent de refaire la pédagogie de l'Europe, mettre en avant ce qu'elle nous a apporté, concrètement, dans nos vies.
Quelle pourrait être l'identité européenne ?
C'est difficile de parler d'identité commune quand les langues, les terroirs, les cultures et les histoires sont différents. Il nous faut pourtant réussir ce magnifique challenge ! Je dirais que notre ADN commun, c'est une identité d'esprit, un même regard sur l'avenir, des envies communes pour nos enfants, et un rapport sublime à l'humanisme et aux droits fondamentaux. C'est aussi une profonde capacité d'entraide entre les pays et les peuples. Mais l'important est que l'Europe soit garante d'un équilibre économique entre les pays. Pour cela, il y a des règles à établir qui ne doivent pas favoriser que les plus forts.
Le repli identitaire, le retour au nationalisme, ça vous inquiète ?
Ça n'a apporté que malheur et chaos partout où ça s'est passé.
Comment les combattre ?
En informant, sans diaboliser. Il suffit de prendre les programmes de ces gens-là et en démontrer l'indigence. Ce dont ils se réclament correspond à une certaine idéologie probablement très éloignée du désir profond des Français. Je peux comprendre que des électeurs désespérés, tristes, en colère, qui n'entrevoient plus de solutions dans les politiques traditionnelles, puissent se tourner vers les sirènes populistes car, quand on est perdu, on peut facilement aller vers celui qui promet d'apaiser vos douleurs. Mais le FN, c'est l'exemple typique du mal qui se prend pour un remède.
Le danger, c'est l'abstention ?
Oui et de tout mélanger. Si on veut sanctionner l'action du gouvernement, il y a des échéances pour cela : la présidentielle, les législatives... Mais manifester son mécontentement en condamnant et en sanctionnant l'Europe, non ! Surtout en envoyant, par le jeu des abstentions, le Front national au Parlement européen en position de leader pour représenter la France ! C'est ridicule, ça n'a pas de sens. Le FN n'est en aucun cas le premier parti de France. Il a représenté quelque 8 % aux municipales et il va caracoler à plus de 20 % aux européennes parce que les gens ne vont pas voter ? Ce n'est pas possible. L'abstention doit être battue.
Qu'espérer donc de ce vote ?
Un sursaut républicain qui va limiter la casse.