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« Le football a gagné » : quand la France arrachait sa place en finale de l’Euro, le 23 juin 1984... |

23 juin 1984, Michel Platini marque à la dernière seconde de la prolongation le but de la victoire face au Portugal © AFP
Deux ans après la demi-finale France - Allemagne de Séville, lors du Mondial 1982, l’équipe de France arrache sa place en finale de l’Euro 1984 au bout d’un match à la dramaturgie similaire, face au Portugal, le samedi 23 juin à Marseille.
Trop facile ? C’est un peu l’idée quand la France se présente ce samedi 23 juin 1984 à Marseille pour affronter le Portugal en demi-finale du championnat d’Europe. Les Bleus viennent d’estoquer successivement le Danemark (1-0), la Belgique (5-0) et la Yougoslavie (3-2). Menés par un Michel Platini, devenu « Ballon d’or » avec la Juventus, ils semblent invincibles et ont vu avec bonheur les inattendus Portugais subtiliser la place de demi-finaliste à l’Allemagne, qui deux ans après Séville, leur aurait ramené de mauvais souvenir.
De cette demi-finale, de Coupe du monde, perdue aux tirs au but (3-3, 5-4), il est temps de faire table rase et le Portugal semble être l’adversaire idéal…
Le grand jour de Jean-François Domergue
Tout commence comme dans le meilleur des rêves ce 23 juin au Stade Vélodrome où 54 848 spectateurs se sont entassés. 24e minute, coup franc bien placé pour la France, à 22 mètres des buts portugais, après une faute d’Antonio Frasco Eurico sur Michel Platini. Platini, les mains sur les hanches, attend le coup de sifflet de l’arbitre pour frapper…
Il s’élance, but ! Évidemment but, évidemment Platini. Sauf que non, ce n’est pas Michel Platini qui vient de marquer, mais Jean-François Domergue, le défenseur latéral de Toulouse qui « sentait bien le coup ». Une frappe de l’extérieur du pied gauche, pleine lucarne ! « Platini m’a dit : vas-y, j’y suis allé et j’ai marqué… » La France mène 1-0, la finale est en vue. Les Bleus n’ont plus qu’à creuser l’écart pour se mettre à l’abri.
Les occasions viennent, pour Luis Fernandez, Platini, Alain Giresse, le temps défile lentement, avant et après la mi-temps. Mais, stupeur, c’est le Portugal qui marque ! Fernando Chalana sur le flanc gauche centre à mi-hauteur, et de la tête, Rui Manuel Jordão trompe Joël Bats, le gardien des Bleus qui voit le ballon finir dans sa lucarne droite (1-1, 74e). Son homologue portugais, Manuel Bento, qui est à deux jours de son 36e anniversaire, continue de repousser toutes les tentatives françaises et c’est donc la prolongation.
Celle-ci vire au cauchemar quand Jordão marque à nouveau, lui qui n’avait encore jamais marqué dans cet Euro ! Un but improbable : nouveau centre de Chalana, reprise de volée qui frappe le sol, rebondit et termine dans la lucarne opposée d’un Bats médusé (1-2, 98e) ! La France est au bord de la catastrophe quand quelques minutes plus tard Nené, seul face à Bats, manque le but du KO…
Le temps à présent semble défiler de plus en plus vite, il ne reste que cinq minutes à jouer, depuis le second but portugais. Poussés par le public, les Français se ruent à l’attaque dans un désordre qui frôle la panique. Les actions confuses s’enchaînent. Sur l’une d’elles, Domergue trouve Yvon Le Roux, qui laisse à Platini, taclé au moment de glisser le ballon sur sa gauche à Domergue, qui marque enfin (2-2, 115e). Le latéral gauche a bien choisi son jour, c’est celui de ses 27 ans, pour inscrire ses deux seuls buts en équipe de France !

Jean Tigana, ici à la lutte avec le Portugais Rui Manuel Jordao AFP
La France in extremis est revenue dans le match, mais elle n’est pas encore sauvée. La perspective des tirs au but est là, imminente et angoissante comme le fantôme de Séville… Alors les Bleus la refusent de toute leur âme et se lancent dans une dernière tentative pour l’emporter dans le temps réglementaire. Jean Tigana traverse la moitié de terrain portugaise, rate sa passe perd le ballon mais se démène pour le récupérer, repart vers l’avant presque jusqu’à la ligne de but, dribble encore, puis centre à ras de terre devant Bento vers Platini.
Le capitaine des Bleus, comme souvent, est là où il faut. Il contrôle le ballon puis l’expédie promptement dans les filets alors que toute l’arrière-garde portugaise fond sur lui, mais trop tard : c’est le but du 3-2, son 8e en quatre matches, celui de la délivrance, celui qui offre à la France la place en finale. Les joueurs exultent, le sélectionneur Michel Hidalgo respire. « Je redoutais d’affronter les Portugais, avouera-t-il plus tard. Les joueurs voulaient une forme de revanche par rapport à 1982 et aller en finale, mais il fallait les battre avant. »
« C’est le football qui a gagné »
C’est cruel pour ces Portugais qui sont allés au bout de ce qu’ils pouvaient faire. « L’ambiance était incroyable, reconnaît Alvaro Magalhaes. Je n’ai jamais connu ça dans ma carrière, cet appui du public a aidé les Français à se surpasser. » Beau joueur le sélectionneur Fernando Cabrita soulignera après le match ce que « c’est le football qui a gagné ». Il est vrai que pendant 120 minutes le football avait produit ce qu’il peut avoir de plus intense. Au bord du terrain, un jeune ramasseur du club de Septèmes-les-Vallons, 12 ans et demi, était aux premières loges, Zinédine Zidane…
Quatre jours plus tard, la finale de l’Euro 84 contre l’Espagne, au Parc des princes à Paris, sera nettement plus austère. Les Bleus l’emporteront 2-0, avec un coup franc de Platini cette fois et un but dans les arrêts de jeu de Tigana, les deux héros français d’un été parfait.
Les équipes
FRANCE : 1. Bats - 5. Battiston, 4. Bossis, 15. Le Roux, 3. Domergue -, 6. Fernandez, 12. Giresse, 10. Platini (cap), 14. Tigana - 13. Six (Bellone 104e), 17. Lacombe (Ferreri 66).
Sélectionneur : Michel Hidalgo.
PORTUGAL : 1. Bento (cap) - 9. João Pinto 11. Eurico, 10. Lima Pereira, 17. Álvaro - 14. Frasco, 13. Sousa (Nené 62e), 15. Jaime Pacheco, 4. Chalana - 19. Diamantino (Fernando Gomes 46e), 3. Jordão.
Sélectionneur : Fernando Cabrita.