JO 2024. « C’est horrible » : les Jeux de Corvée et Labar remis en cause, le DTN du badminton dépité

Après des championnats d’Europe « historiques » pour la France, avec deux titres et trois médailles pour la première fois, le badminton tricolore s’est retrouvé sous le feu des projecteurs pour une tout autre raison, jeudi 18 avril. La faute à une erreur de calcul de points de la Fédération internationale sur un tournoi datant de mai 2023, la paire de double Lucas Corvée - Ronan Labar voit sa qualification pour les Jeux olympiques, fêtée en fin de semaine dernière, remise en cause au profit des frères Popov, Christo et Toma Junior.

Le Directeur Technique National Jérôme Careil est longuement revenu sur cette situation inédite et très regrettable, en attendant des éclaircissements et une potentielle solution d’ici le 30 avril, date de l’annonce officielle du classement de la Race olympique par la Fédération internationale.

Jérôme Careil, quel sentiment prédomine à l’heure actuelle ?

« Ce n’est pas de l’incompréhension, c’est de la stupéfaction. Cela reste lié à une erreur de calcul, sur une compétition qui a eu lieu à un an, en début de Race. On se dit que cela a faussé toute la qualification et apparemment, on ne serait pas le seul pays concerné. On vit le pire parce que cela change le nom des qualifiés. Ce n’est pas rien. Une paire d’un pays asiatique se retrouverait neuvième et sortirait des têtes de série pour les Jeux. On est en train d’analyser tout cela. On n’est pas dans une urgence absolue, hormis pour les joueurs parce que c’est très compliqué à gérer pour eux. L’annonce officielle des résultats de la Race par la Fédération internationale, c’est le 30 avril.

De notre côté, on proposera la liste de nos sélectionnés au CNOSF, qui la validera le 15 mai. On a eu une réponse de la BWF (la Fédération internationale), qui nous demande juste plus de temps. On collecte des informations de notre côté pour essayer de comprendre quels seraient les autres pays concernés et savoir ce que l’on va faire. On en a discuté avec les joueurs, notamment avec Ronan (Labar) et Lucas (Corvée) pour qui c’est un coup d’arrêt compliqué. C’est assez terrible en tant que compétiteurs.

Pour Ronan Labar et Lucas Corvée, quels sont les recours possibles ?

Pour l’instant, ils sont passés par la commission des athlètes de la BWF et ils vont aussi solliciter un soutien juridique. C’est inédit.

« La fédération internationale nous met bien dans la merde et s’y mettent aussi tout seuls »

L’erreur en question concerne un tournoi qui a eu lieu au printemps 2023…

On peut se demander comment c’est possible de traîner une erreur de calcul de points pendant un an, que cela n’ait pas été revérifié de manière régulière. Ronan (Labar) et Lucas (Corvée) ont été bonifiés de 400 points. Christo (Popov) et Toma Junior (Popov) ou d’autres pourraient dire que cela a eu une influence dans le fait de rentrer ou non dans certains tournois, d’être têtes de série ou non de certains tournois. Dans l’autre sens, il y a eu la construction d’une stratégie de compétition sur la base d’un certain nombre de points pour Ronan et Lucas. Tout le monde a raison, cette situation est naze.

Lucas Corvée disait dans nos colonnes il y a peu son bonheur de vivre les Jeux à Paris. En être là quelques jours après, ça vous inspire quoi ?

C’est horrible pour eux. Ils sont partis au Kazakhstan exprès, ont gagné un tournoi là-bas juste avant les Europe, pour repasser devant l’autre paire française. C’est les montagnes russes pour tout le monde, avec beaucoup d’incertitudes. Je ne sais pas du tout comment ça va se régler.

Après cette grossière erreur de la Fédération internationale, avoir deux paires françaises aux Jeux vous semble-t-il de l’ordre du possible ?

On va argumenter autour de ça. Si on met dix-sept paires au lieu de seize aux JO, cela change toute l’organisation de la compétition. J’imagine difficilement que cela soit retenu, même si on va évidemment le demander. Si on a une fenêtre de tir pour cela, ce serait la meilleure issue pour nous. Il y a eu préjudice et ceux qui ne vont pas y aller ont un argument de poids.

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Qu’est-ce qu’une Fédération et un DTN peuvent apporter à ses joueurs dans de tels moments ?

On a été plusieurs à avoir Ronan ou Lucas au téléphone, pour en discuter, savoir comment ils reçoivent ça et quelles seraient les actions. J’ai aussi eu le papa des frères Popov. J’ai assuré à tout le monde qu’on ne peut pas prendre parti. Pour la première fois, on aura une paire de double hommes aux Jeux olympiques. Le règlement des Jeux, qui nous permet de prendre une paire plutôt qu’une autre sous certaines conditions, même quand elle n’est pas première à la Race, on ne va pas le mettre en application car on ne remplit pas les critères nécessaires pour cela. Et puis je n’ai pas d’argument pour dire que Ronan (Labar) et Lucas (Corvée) vont y aller plus que Christo (Popov) et Toma Junior (Popov), si c’est basé sur un problème de calcul il y a un an. Ils (les frères Popov) se retrouvent avec 29 points d’avance. Sportivement, c’est raide. Humainement, c’est horrible.

On ne peut que leur témoigner notre soutien, conduire des démarches auprès de la Fédération internationale pour avoir des réponses aux questions, comprendre pourquoi on en est arrivé là. Et si on a une possibilité de jouer la carte de deux paires françaises aux Jeux, on la jouera. On ne s’empêchera pas de le faire. Je n’imagine pas qu’ils le fassent mais d’un autre côté, on n’aurait jamais imaginé se retrouver dans une telle situation. On est à douze jours de l’annonce officielle de la BWF. Je ne sais pas dans quel état on va ressortir de ces douze jours. Ce sont des enjeux qui vont sans doute largement dépasser le cadre français et qui vont peut-être aboutir à une décision inédite. En attendant, ils (la Fédération internationale) nous mettent bien dans la merde et s’y mettent aussi tout seuls. »